Le jour où je me suis vu décerner mon diplôme, lorsque j’ai ouvert les portes de la salle de cours où j’avais soutenu ma thèse, j’ai été accueilli par mon père, qui m’a dit textuellement: « maintenant tu vas pouvoir commencer à étudier ».

Mon père était comme ça, il n’était jamais satisfait de ce qu’il avait accompli, il ne s’asseyait jamais pour savourer un succès, il était toujours à la recherche d’une amélioration, d’un perfectionnement, du petit quelque chose qui lui manquait pour passer à l’étape suivante.
Mon père m’a appris qu’être avocat, c’est une question de cœur et de science. Du cœur parce que, jusqu’au bout, il se passionnait et souffrait avec ses clients, prenant tous les problèmes sur ses épaules et les partageant avec ceux qu’il assistait. Une question de science aussi parce que, jusqu’au bout, il a étudié sans « jamais faire confiance à sa mémoire » (comme il me le disait toujours).

Nous avons reçu ce témoin.

Trois grandes passions, toutes alimentées par une curiosité incessante et cultivées, jusqu’au bout, avec une grande humilité : la musique, l’aéronautique et le droit.

Toujours prêt à considérer la question sous une autre perspective, celle de son interlocuteur ou de son contradicteur, sachant que « si la force des mathématiques est de ne pas être une opinion, la force du droit est précisément celle d’être une opinion », selon un principe cher au professeur Satta.

Lorsque les délais étaient serrés, lorsqu’un problème semblait sans réponse, lorsque quelqu’un se décourageait, Francesco Rocco di Torrepadula, Maître Rocco, me disait: « Parsifal, montez donc sur la mitrailleuse! »

C’est ainsi qu’ensemble, dans la tranchée, derrière l’écran de l’ordinateur, nous commencions à étudier, à discuter et à écrire, et, hors du temps, ce qui semblait auparavant impossible, sous les touches du clavier, a progressivement pris forme. Combien de thèses, combien d’antithèses, pour arriver toujours à une synthèse partagée! À partir d’une idée, d’une simple intuition, il savait élaborer une défense gagnante, avec la même maîtrise et l’apparente simplicité avec lesquelles un sculpteur chevronné parvient à faire ressortir l’âme d’une pierre brute.

Un érudit infatigable, toujours à la recherche de la perfection, de la meilleure forme pour rendre le message plus efficace. « La forme, c’est la substance! » -me répétait-il.

Un homme juste, un gentleman d’une immense culture, désintéressé et généreux, dans la vie comme dans sa profession. Un gentleman d’une autre époque. Amoureux de la musique classique, de l’aéronautique et de l’univers, Maître Rocco a été pour moi un deuxième père, un guide expérimenté et aimant qui m’a donné le privilège d’être à ses côtés, se mesurant à moi d’égal à égal, partageant les joies et les peines, avec une humilité sans pareille..